
Durant cet hiver, je me suis rendue en Laponie ou plutôt au Samland, Lapland, la région de l’Europe du Nord ou vit encore le peuple sami, un peuple traditionnellement nomade, éleveurs de rennes, ancré dans une culture chamanique en totale reliance avec leur environnement. Cette immersion en milieu sauvage, d’une rare beauté, m’a rappelé la radicalité de l’enseignement de la nature alors que nous louvoyons avec notre bien-être.
Mon voyage en pays sami
Leur mode de vie et de croyances a été anéantis par les colonisateurs, leur refusant le droit de pratiquer et de vivre selon leurs coutumes. Actuellement leurs territoires, appauvris par les expropriations massives dus aux mines de fer, la découverte de lithium et le réchauffement climatique, sont en plus menacés. S’y ajoute une vision dite écologique, visant à leur imposer des éoliennes et des panneaux solaires sur des terres réservées à leurs élevages. Des discussions cruciales, vitales dont ils sont exclus. De plus, les colonisateurs ont utilisés les dissensions inévitables entre clans, pour donner des privilèges à certaines samis afin de diviser leur communauté. Rien de nouveau malheureusement.

Une nature implacable
La nature dans ce grand nord est implacable. J’ai vécu 10 jours hors de ma zone de confort et attentive, à la fois, à ce que cela pouvait m’enseigner. Je partage ici ce qu’être dans une nature préservée, non domestiquée par l’homme, a fait émerger en moi : l’impossibilité de marchander son bien-être !
Tous les chamans, guérisseurs du monde, vivant encore au cœur de la nature, qu’il fasse très froid comme lors de mon voyage, ou très chaud dans d’autres parties du globe, nous rappelle l’importance de faire des choix radicaux car d’eux dépendent notre survie. Ne pas trouver une baie ou du lichen, de l’eau, du bois, savoir faire un feu, se protéger, s’habiller en conséquence ou se repérer dans un paysage quasi identique dans les quatre directions 😉 devient un impératif.
Ici encore, l’enseignement est radical : c’est oui ou c’est non. Il n’y pas de voie du milieu, d’un « à peu près conciliant », chers à nos démocraties et à nos climats tempérés. Un climat tempéré qui pourrait, par définition, être ajustable. Et vous comprendrez ici ce que je décris : un lien entre une façon de vivre avec les autres, un climat intérieur et non pas seulement une relation avec l’environnement naturel.
Ainsi, ne pas suivre une trace peut signifier se perdre tant le paysage est semblable.
Ainsi, ne pas prévoir de se chauffer suffisamment et continuellement dans un Lavvu (teepee sami) équivaut à trembler de froid durant des heures et à ne pas pouvoir se reposer.
Ainsi, continuer d’avancer dans la neige haute malgré la fatigue signifie dépasser sa propre limite physique et anticiper le but ou le retour, comme se projeter être arrivée à un campement.

Dans d’autres situations, pour les autochtones, savoir discerner si une plante est comestible, éviter les autres (sauf si vous avez une connaissance médicinale de celle-ci), savoir anticiper pour couper suffisamment de bois, posséder les outils adaptés, écouter et observer les signes des passages des animaux, distinguer les traces… tout est synonyme de survie. Car, je le rappelle encore, la nature est implacable et ne marchande pas avec nous.
Un oui, un non… pas de peut-être
Le OUI est pour ce qui nous est indispensable, utile, nécessaire, pratique, vital, respectueux. Pour notre survie physique ET psychique.
Le NON est un refus catégorique et non monnayable pour ce qui nous est néfaste, non-utile, non –nécessaire, dévitalisant, pour tout ce qui nous ôte notre pouvoir de décision et de choix.
Il n’y a pas de « peut-être » dans la nature. Nous n’avons pas le pouvoir de retenir la nuit ou le froid sauf en nous y adaptant au mieux. Avoir les bons outils, les bons vêtements…
Quelle leçon pour toutes celles d’entre nous, dont je suis, qui louvoie en dépassant les limites pour se faire apprécier des autres, pour être compréhensive, pour se mettre à la place de…, pour celles qui font du « plus plus plus » au travail ou dans leur quotidien, sans en voir le bout ni en recevoir une quelconque reconnaissance.
Pour celles qui disent OUI alors que le corps dit NON.
Pour celles qui disent OUI alors que leur cœur dit NON.
Jusqu’où s’écouter
Alors il m’a fallu ce voyage pour n’avoir plus peur de dire NON lorsque la situation qui se présente ne me convient pas.
S’adapter est utile, certes et il ne s’agit pas non plus de se figer dans une position rigide. Mais retrouver la « sauvage » en nous peut être une option pour définir clairement nos besoins essentiels et non monnayables.
S’écouter est devenu un « must » dans une société autocentrée et ce n’est pas non plus ce que je mets en doute ici. Nous avons redécouvert la nécessité de prendre acte de nous. Pourtant…
S’écouter au dépend des autres, n’est pas une option chez les peuples confrontés directement à la nature, au risque de plonger leurs proches ou leur communauté dans l’adversité.
S’écouter au dépend de la nature non plus, puisqu’elle est Mère de la subsistance indispensable à tous.
La nature nous demande de la connaitre pour faire amitié avec nous. Et si nous le pouvons pas seul.e, faisons-nous accompagner, apprenons, apprivoisons-la. Elle ne pourra pas se plier à nos désirs. Elle vit selon ses propres lois et s’adapte elle-même aux multiples changements qui l’impactent si fortement. Je dirai qu’elle a bien assez à faire ;)…

Un jour, pas si lointain, la nature nous imposera un NON qu’il faudra bien entendre. Et nous regretterons peut-être de n’avoir pas osé être plus franc, plus radical, plus responsable, avant que son NON résonne dans le tonnerre des flammes, des engloutissements, des tornades ou des débordements. C’est une autre histoire. Son histoire. Il en faudra de la radicalité pour continuer d’appartenir à l’Histoire.
La nature continuera de nous enseigner.
Enseignement sami:
« Lèche ce qui est bon pour toi. Pisse sur ce qui ne l’est pas. Mais ne lèche pas la neige jaune ».
A bon entendeur !
Marianne Grasselli Meier est écothérapeute, musicothérapeute à la retraite, artiste, formatrice d’adultes, auteure. Elle a créé la formation pour devenir praticien-nes en Ecorituels®; formation qui est proposée en Suisse, en France, en Belgique et prochainement en Espagne.
site: www.espritdefemme.ch www.ecorituels.com
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