In revue Recto-Verseau, octobre 2006.
« Garde les mystères révèle-les sans cesse ! »
—Lew Welch
La Roue de médecine
La Roue de médecine (ou Roue de Connaissance) est l’un des plus anciens modèles de compréhension du monde. Non dogmatique, cet enseignement laisse place à la perception individuelle sans porter atteinte à nos croyances culturelles, philosophiques et religieuses. Il reste fondamentalement un enseignement oral, bien que des livres nous en donnent maintenant l’accès. Cette « carte avec boussole » fait appel non plus à une version linéaire, voir hiérarchique de la société et de la vie, mais à une vision cyclique, interdépendante dans laquelle l’individu se place avec respect. L’individualisme a permis à notre société occidentale un développement de conscience qu’il ne s’agit pas ici de renier; l’utopie d’un passé idéalisé n’a rien à faire avec cette connaissance ancestrale qui renait dans le mouvement néo-chamanique actuel. Mais l’individualisme a aussi son autre versant : la solitude, l’isolement et les dérives écologiques irrémédiables que nous connaissons. L’Ecothérapie® est une thérapie issue des traditions amérindiennes et de l’enseignement toltèque; l’individu est amené dans son cheminement conscient personnel à se replacer dans la Roue, dans le Cycle de la vie, et à se relier (du terme « eco ») tant à lui-même, à ses valeurs propres, qu’ au monde des éléments, des règnes naturels, du cycle des saisons ; du cercle de ses relations sociales au cercle élargi des alliés spirituels.
La femme, matrice du Temps
Aborder l’enseignement de la Roue de Médecine avec les femmes, c’est leur parler d’elles-mêmes tant l’évidence est frappante entre ce lien d’interdépendance, ce corps mouvant et le cycle de la vie. Un petit sourire ironique passe parfois sur les lèvres des hommes face aux « humeurs » de leurs femmes ! Des femmes qui connaissent dans leurs ventres et non dans leurs têtes ce que les mots évolution, changement, vie et mort peuvent signifier. Un corps qui non seulement au cours de la vie (enfance – venue des règles – femme sexuellement épanouie /maternité – femme ménopausée) se transforme de fond en comble, mais qui, en quatre semaines seulement va – bon gré mal gré – du repli à des pulsions amoureuses intenses, du sentiment de maternage à l’activité indépendante des plus frénétiques ! Heureusement pour les « nouveaux couples », de plus en plus d’hommes n’essaient plus de faire rentrer leurs femmes dans un cadre inamovible, mais cherchent avec elles à connaître et à anticiper ces mouvements du corps et de l’âme . En découle une relation d’une intime complicité, l’homme ayant accès ainsi à une femme unique mais plurielle dont il peut goûter toutes les facettes, et la femme, à une complicité sensible hors de toute culpabilité et de tout jugement dévalorisant.
Rituels de guérison
Dans le Cercle de Grâce, issu de l’initiation du « chant de grâce » (voir encadré) les femmes se retrouvent lors des quatre moments forts de l’année pour fêter les équinoxes de l’automne et du printemps et les solstices d’hiver et d’été. Ces rencontres partagées au son des voix libérées et de la pratique du tambour à cadre, sont de véritables moments de ressourcement, de connexion au cycle annuel, mais aussi de guérison. Depuis six ans que ces rencontres existent, le groupe a évolué et les rituels proposés durant ces cérémonies se sont transformés en des rituels plus personnalisés, « à la demande ». Ainsi des femmes font la demande de rituels de guérison personnels qu’elles préparent avec des « marraines » pendant deux mois lors d’un processus thérapeutique individualisé, puis offrent au groupe la possibilité de s’y joindre : une guérison individuelle au service de la collectivité – Une sur le tracé du Cercle . Dans un espace-temps sacralisé, le cycle des saisons nous a appelé à ritualiser les unions – les passages de vie et de mort – les deuils non élaborés – les avortements – la venue des règles – à célébrer les anciennes, la paix, l’ensemencement de l’amour…
Un rituel, des avortements
Si la femme a souvent effectué de manière spontanée un rituel, une prière pour l’enfant qu’elle vient de perdre, son corps en garde une profonde blessure. De nombreuses femmes ont vécu ce traumatisme, mais certaines n’ont jamais eu d’autres enfants – d’autres ont pu enfanter – d’autres encore ne seront jamais mères. Le rituel doit prendre en compte toutes les femmes du Cercle. Il doit s’IN-primer en nous et nous EX-primer. Entrons dans le rêve ; glissons entre les mots : Nous sommes assises en cercle, les quatre directions de la Roue sont représentées par leurs attributs. Quatre femmes, les marraines, sont assises jambes écartées -depuis ce centre de force – ouvertes vers la périphérie. Face à elles se sont placées les autres femmes du groupe selon leurs affinités de direction. Un ruban de couleur rouge passe du sexe de la femme du centre vers celles de la périphérie. Jambes ouvertes, elles s’appuient les unes aux autres. Chaîne humaine. Le son du tambour et la visualisation les entraînent sur les pas de leurs lignées de femmes. De mères en mères, l’univers recule, nous sommes Hors Temps. C’est avec des larmes que nous accueillons la Première Femme, l’Eve, la Marie primordiale , la Soeur , qui en ce temps de solstice d’hiver, nous rappelle l’enfantement à venir. Et pourtant de cette naissance première, de cet écartèlement des hanches, de cette ouverture de sexe, de ces drames, de ces douleurs ,de ces extases, l’important est la vie qui va. Nous sommes passage. Le sexe se referme. Toujours se referme pour laisser la vie continuer son cours. Le ruban rouge se retire sous nos corps. Il nous ramène au présent. Nous sommes à jamais VIERGE ET FECONDE. A chaque instant de nos vies. Vierge et féconde. L’amas rouge des rubans devient un placenta que nous enterrerons et redonnerons ainsi à la Terre Mère.
Propositions de lecture
- « La voie médecine », Kenneth Meadows. Ed. Guy Trédaniel.
- « Etre humain », introduction à la Roue de connaissance. Arnaud Pozin. Ed. les Deux Océans.
- « Rites de passage », Kathleen Wall, Gary Ferguson. Ed. Jouvence, collection Le cercle de vie.